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 La datte, un produit  du patrimoine

La datte, un produit du patrimoine

La saison de la récolte des datte varie selon les différentes régions de l’Iran entre août et octobre.

Vers la fin du troisième millénaire avant Jésus Christ, dans une région correspondant au Sud de l’actuel Irak constituant la Mésopotamie ancienne, un genre littéraire répandu fit dialoguer des entités rivales au sein de débats dans lesquels chacune représentait ses atouts. Ainsi se disputèrent l’araire et la houe, l’été et l’hiver, le poisson et l’eau, le cuivre et l’argent. Les végétaux ne furent pas en reste non plus, le plus connu étant sans doute le débat entre le palmier-dattier et le tamaris.  Dans celui-ci, le palmier vante ses mérites et sa suprématie en concluant par ces mots :

“- Qu’est ce qui ne vient pas de moi dans la maison du Roi ? Le Roi mange sur une table qui vient de moi, la reine boit dans un gobelet qui vient de moi, le guerrier mange dans une gamelle qui vient de moi, le cuisinier prend la farine d’une maie qui vient de moi, je suis le tisserand qui fait les cordes et le tailleur qui habille l’ouvrier. Je fournis les instruments du service du Dieu. Je suis donc le grand exorciste qui fertilise la demeure du Dieu. Je suis le héros sans rival. Je te suis supérieur, je te surpasse dix fois, je te domine sept fois… l’orphelin, la veuve mangent de mes dattes.”Différentes sortes de datte venant des villes de Kerman, région des villes de Bam, de Jīroft et dans la province du Sistan-Béloutchistan

Ce dialogue imaginaire démontre s’il en était besoin l’importance du palmier-dattier aussi bien dans la société mésopotamienne ancienne que dans les régions arides actuelles, notamment, celles du Proche et du Moyen Orient.

 

Un arbre providentiel

La datte est le fruit du palmier-dattier, cet arbre généreux (Phoenix dactylifera) qui se détache sur les ciels délavés de soleil et tremblants de chaleur des pays désertiques. Apparaissant à l’horizon du voyageur accablé de fatigue en quête d’ombre, de fraîcheur et d’énergie, il lui rend espoir. Base alimentaire riche en calories, la datte est aussi riche de sens, puisqu’elle est devenue dans certains pays d’Orient le symbole de l’amour conjugal à cause de son mode de reproduction.

 les dattes iraniennes sont les meilleures du MondeLe palmier-dattier est sans doute l’arbre cultivé le plus ancien du monde puisqu’on en trouve des traces dans les civilisations qui se développent autour du Golfe Persique dès la période protohistorique. Près de la cité mésopotamienne d’Our en Irak, il a même servi à construire un temple pour le Dieu de la Lune. La datte a longtemps été et demeure encore aujourd’hui le “pain quotidien” des populations des étendues désertiques.

 

Culture du dattier en Iran

Les racines du palmier-dattier pénètrent profondément dans le sol, ce qui lui permet de pousser dans des climats secs. En Iran, également irrigués par l’eau des qanâts, (ces galeries souterraines en pierre qui irriguent le pays) les palmiers-dattiers occupent 25 % des terres cultivables soit environ 180 000 hectares. On compte entre vingt et vingt-six millions de sujets.

Les lieux de production se situent dans sept provinces et notamment celles du Khuzestân, du Fars et du Béloutchistan. Les variétés les plus importantes sont au nombre de quatre : Mazafati, Shahanai, Sayer, et Kabkabe.  Mais il en existerait plus de quatre cent autres !

Plus grand pays producteur du monde avec un million de tonnes correspondant à 20% de la production de la planète. La consommation de sucre augmentant davantage que la production, l’Iran pourrait songer à la remplacer par du sucre de datte dont la capacité édulcorante n’est plus à démontrer.

Les dattes sont des fruits du patrimoine iranien

 

Pollinisation

S’il existe encore aujourd’hui à l’état sauvage, la multiplication des palmiers dans une palmeraie se fait presque exclusivement de façon végétative, par bouturage à partir des rejets qui se forment spontanément à la base des stipes. Mais la grande originalité de cette arbre tient à son mode de pollinisation. C’est lui qui lui confère sa dimension symbolique d’arbre de l’amour. En effet, chez le palmier-dattier, les organes de reproduction mâle et femelle sont portés par des individus différents, les palmiers femelles dont les fleurs se développent après fécondation en fruits, et les palmiers mâles, générateurs d’une quantité énorme de pollen. Très léger, celui-ci produit même parfois l’effet de nuages aperçu au-dessus des oasis. La longévité de ce pollen est exceptionnelle : il peut rester apte à germer et à féconder pendant dix ans si les conditions de sa conservation sont bonnes.

Dans la nature, la pollinisation des palmiers est surtout assurée par le vent. Mais dans les palmeraies cultivées où l’on favorise les palmiers femelles porteurs de fruits, les individus mâles sont en général trop peu nombreux pour que la pollinisation soit efficace. On recourt donc à une pollinisation artificielle : l’agriculteur grimpe jusqu’au sommet des palmiers femelles, un panier empli de pollen accroché à la ceinture. Parvenu au sommet, il fait retomber les inflorescences prélevées sur les palmiers mâles directement sur les inflorescences femelles.la saison de la récolte des dattes dépend du climat

Tout au long de leur vie productive, les palmiers font l’objet de diverses attentions dont la finalité vise à augmenter la production de fruits. L’élagage régulier des feuilles sèches fait partie de ces soins. Produites chaque année par une pousse située au sommet, les feuilles ont une durée de vie de trois à sept ans.

 

Principales variétés de dattes

S’il existe plus de 400 variétés de dattes en Iran, certaines sont destinées à la consommation locale, d’autres à l’exportation. Immédiatement après la récolte, les fruits sont désinfectés soit à l’eau bouillante, soit à au bromure de méthyle. Après lavage, les fruits sont ensuite calibrés.

Les dattes de la variété Shahanai sont les plus riches en sucres. De belle apparence, elles sont cultivées dans la ville de Jahrom dans le Fars. Ce sont avec les dattes Mazafati, celles qui sont les plus douces ayant le meilleur goût. Leur pourcentage d’humidité peu élevé convient pour une conservation plus longue.

La datte Sayer possède les mêmes qualités mais peut-être avec un peu moins de goût. Quoique considérée comme étant de seconde catégorie, c’est aussi une variété destinée à l’exportation.

La Mazafati, cultivée au Sud de l’Iran est aussi appelée “datte de Bam”. Les principales villes productrices se situent dans la province de Kerman, région des villes de Bam, de Jīroft, de Kahnui, et dans la province du Sistan-Béloutchistan, autour des villes de Saravan, de Nik Shahr, d’Haji Abad et d’IranShahr.

Le dattier Mazafati produit des fruits de couleur sombre, doux, charnus et sucrés, mesurant entre deux et quatre centimètres et demi.  Sa teneur en eau, variant de 30 à 35%, est plutôt élevée et dépend autant de la période de la cueillette que de la localisation du verger.

Citons également la datte Astamaran, cultivée dans le Khuzestân, sa caractéristique est d’être demi- sèche, ce qui augmente ses possibilités de stockage et en fait le produit le plus commercial pour l’exportation.les dattes font partie des souvenirs de l’Iran

Mentionnons aussi la datte Piarum, cultivée dans le sud de l’Iran et dans le point le plus au Nord de la Province d’Hormozgan, juste à la limite des monts Zagros, cette région produit l’une des dattes demi-sèches les plus délicieuses du monde aux dires des spécialistes. On l’appelle Piarum dans le dialecte local. Les palmiers poussent là, principalement dans les contreforts montagneux. Ils sont irrigués par les ruisseaux qui se jettent dans les rivières en contrebas. La culture est là aussi biologique, la peau fine de cette datte est brune foncée du fait que peau et chair sont collées l’une à l’autre. Les zones de production se situent autour d’Hasanabad, Kâzerun, Kerman et Bandar Abbas. De maturation tardive, c’est un produit parfait pour l’exportation.

Cueillette et consommation des fruits

Un arbre fructifie à partir de cinq à sept ans et peut ensuite produire sur plusieurs décennies entre seize et cent kilos de fruits annuellement, constituant pour les populations une source non négligeable de protéines, de carbonates, de sucres naturels comme le fructose, le saccharose et le glucose, ainsi que les vitamines B1, B2, B3, B5. La richesse en calories de la datte dépasse celle de tous les autres fruits, elle peut atteindre 3400 calories par kilo. La saison de la récolte dépend de la variété et se déroule entre août et octobre.

Au Sud de la ville de Bam, celle de la datte Mazafati arrive fin août, une fois que la chaleur torride du désert a achevée de “cuire” le fruit pour parfaire sa maturation et révéler ses saveurs au parfum de miel. Pour conserver la saveur et l’apparence de ce fruit mûri à point, il est récolté à la main directement sur l’arbre. L’arboriculteur est équipé d’un ingénieux système de cordes qui lui permet de grimper jusqu’au régime de dattes sans l’endommager. Les fruits choisis sont aussitôt acheminés et emballés dans le centre de conditionnement local.

La production de cette datte d’excellence représente 20 % des exportations iraniennes soit à peu près 120 000 tonnes. Cette variété peut donner des fruits pendant plus de soixante ans.

La plupart de ces cultures n’utilisent pas de pesticides et sont désormais certifiées “bio”, tant pour des raisons de qualités que pour encourager des pratiques de culture durable, solidaires et responsables, aussi respectueuses de la terre que des producteurs locaux et de leurs besoins spécifiques.

Les dattes sont des fruits du patrimoine iranien

 

Un arbre en danger

Outre leur rôle économique, les palmiers-dattiers revêtent en Iran une importance symbolique certaine et ce dès l’antiquité, en étant notamment associés avec divinités et rites. La présence de dattes, dans des contextes funéraires à la fois en Arabie, en Mésopotamie et en Iran montre que ce fruit si apprécié dans la vie de tous les jours était aussi considéré comme un mets de l’au-delà. Cette valeur spirituelle se retrouve également dans les arts décoratifs où leur silhouette stylisée se retrouve en parements pariétaux jusqu’à Persépolis !

Toutefois, comme un tiers des arbres de la planète, cet ancestral arbre nourricier est pourtant aujourd’hui menacé. L’Iran à l’égal de ses voisins, doit désormais combattre le charançon rouge, originaire d’Asie et détecté pour la première fois dans la Région en 1980. Cet insecte d’à peine quelques centimètres de long pond des larves qui se nourrissent du tronc des palmiers qui finissent par mourir. Selon l’organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, 7,2 millions d’euros seraient dépensés chaque année rien que pour enlever les troncs gravement infestés des pays limitrophes. Et on s’en doute, les charançons rouges ne respectent pas plus les frontières que le vent. Mais l’Unesco venant en 2021 de le classer au nombre des éléments du Patrimoine immatériel de l’humanité à sauvegarder, gageons que les fruits du palmier-dattier continueront encore longtemps à enchanter les palais iraniens. Dattes de Bam meilleure qualité des dattes en Iran et au Monde

Germaine Le Haut Pas
(15 septembre 2021)

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Marjan Saboori

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