Lundi - Vendredi de 10:00h-17:00h
 Nakhl de Muharram

Nakhl de Muharram

19 Août 2021
La commémoration d’Achourâ (ou Ashurâ)

Héritage du passé, la commémoration d’Achourâ est l’évènement religieux fondateur de la culture et de l’identité iranienne. Lors de cette cérémonie, qui est la plus importante de l’année musulmane, le pèlerinage vers la ville Sainte de Kerbala en Irak, attire plus de trois millions de fidèles chiites.

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Chanteur : Vihan
Producteur : Alireza Akbari

 

Achourâ se déroule le 10ème jour de Muharram, premier mois de l’année du calendrier hégirien. Son nom dérive du mot asara, qui signifie dix. Primordiale pour les sunnites, comme pour les chiites, cette date ne commémore toutefois pas le même évènement pour les uns et les autres. Pour remercier Dieu d’avoir libéré les enfants d’Israël d’Egypte, les musulmans sunnites jeûnent alors deux jours, tandis que c’est en mémoire de l’assassinat, à la bataille de Kerbala, de l’Imam Hussein, le troisième Imam, que les chiites prennent le deuil. Un deuil qui se poursuit alors quarante jours durant jusqu’à la journée de l’Arbaïn (40 en arabe) qui termine la fin de cette période.

En 2021, Achourâ se célébrera le 19 Août.

Muharram premier mois du calendrier Hêgirien

 

Comment Hussein devint-il Sayyid ach Chuhâdâ, “prince des martyrs.”

“Evitez d’opprimer celui qui n’a pas de défenseur contre vous, car le Dieu tout puissant est son défenseur”

Parole d’Hussein

Al-Hussein ibn Ali, fils d’Ali Ibn Abi Talib et de Fatima, petit-fils de Mohammad appelé Mahomet en français, le fondateur de l’Islam, qui naquit en 626 à Médine situé en Arabie Saoudite. Des morts violentes marquent sa jeune vie quand son père, Ali, le fils du Prophète, est empoisonné. Devenu le Deuxième Imam, son frère aîné Hassan est assassiné à son tour. Le meurtrier n’est autre que le puissant calife omeyyade Muawiya, fondateur de la dynastie qui règne alors à Damas sur un territoire allant du Golfe Persique aux rivages africains.

Devenu le troisième Imam, Hussein vit dans la capitale omeyyade et doit taire son ressentiment contre Muawiya. Mais quand ce dernier meurt en 680 et que son fils, Yazid, lui succède, Hussein se révolte. La haine atavique qu’il nourrit en secret lui interdit de faire allégeance au nouveau calife Yazid 1er. Cette rébellion va sceller son destin tragique. Pour éviter une condamnation à mort, Hussein quitte Damas avec 72 compagnons fidèles. On lui promet qu’à Koufa, il trouvera des soutiens auprès de la population. Il s’y rend donc, traversant le désert sans trouver la moindre oasis.

Il est obligé de passer par Kerbala pour abreuver ses hommes assoiffés. Malgré des doutes, Il ne soupçonne pas le piège puisque c’est précisément là, que les troupes du calife l’attendent. Le combat est atrocement inégal. Hussein et ses compagnons sont capturés. Lui-même est décapité sur le champ ; ses bourreaux rient en perpétrant ce crime et jouent à faire rouler sa tête comme une bille de bois. L’histoire raconte qu’elle fut alors envoyée à Yazid, dans son palais damascène et que celui-ci prit peur en voyant la face grimaçante. Cette tuerie confirma le divorce entre chiites et sunnites, c’est la tragédie de ce massacre que commémorent à chaque anniversaire de l’Achourâ, les chiites duodécimains qui sont majoritaires en Iran et en Irak.

cérémonie du deuil d’Imam Hussein à Kerbala

Un récit fondateur de l’Islam chiite

Le jeûne dure le temps des commémorations qui commencent le neuvième jour de Muharram et culminent le lendemain, le 10, avec des processions et scènes de pénitence organisées dans le monde entier.

Un deuil de quarante jours commence alors, qui se clôt avec la journée de l’Arbaïn : c’est le point d’orgue du pèlerinage de Kerbala, le plus important du chiisme avec celui de La Mecque.

Dans la plupart des villes iraniennes on ressort à cette occasion le Nakhl de Muharram. Bien que cet objet ait la forme d’un cercueil, ses proportions sont dix fois plus grandes, on l’appelle Nakhl, mot qui désigne également les ornements de ce cercueil symbolique. Ce grand linceul en bois est ornée de tissus, miroirs, épées, dagues, illustrations et poèmes religieux. Les hommes la portent sur leurs épaules lors des cérémonies du deuil. A Yazd, le Nakhl est en bois de dattier en référence à la litière en bois qui aurait transporté la dépouille de l’Imam Hussein vers sa sépulture. D’autres explications prétendent que puisqu’on n’a pas enterré le corps, que ce cercueil particulier et les cérémonies qui l’accompagnent ne font que symboliser les funérailles de l’Imam Hussein.

Néanmoins l’origine de ce mot Nakhl pour désigner cet objet demeure inconnue, d’autant que sa forme rappelle celle du cyprès, dont la silhouette évoque dans la culture iranienne l’esprit de la liberté. Une autre explication ultérieure rappelle qu’on choisissait le dattier à la fois pour les cercueils car ce bois était particulièrement flexible et que ses branches courbées servaient dans la construction de ses côtés, mais aussi parce que cet arbre occupait une place prépondérante dans la culture iranienne et mésopotamienne.

Quoi qu’il en soit, ce Nakhl est un ouvrage d’art qu’une centaine d’hommes soutiennent sur leurs épaules pendant la procession. La partie centrale est ajourée et sculptée afin que le tout soit moins lourd à porter. Celui de Yazd comporte 72 créneaux en forme de petits cyprès, rappelant les 72 martyrs de Karbala, autour de la partie centrale figurant toujours elle-même à un immense cyprès. C’est le plus grand Nakhl du monde puisqu’il mesure à peu près 8,5 mètres sur 8,5 mètres et que l’estrade où il est posé occupe le centre de la place qui lui est dédiée.

Muharram premier mois du calendrier Hêgirien

Le responsable de la décoration du Nakhl est appelé le papa du Nakhl, ce fut longtemps un droit héréditaire, qui se transmettait au sein des grandes familles dans les villes et les villages. Si le Nakhl, conservé toute l’année enveloppé dans une étoffe verte, le jour de l’Achourâ, il est drapé de noir, dont le centre, est souvent brodé par une scène du martyre de l’Imam Hussein en lettres d’or. La cérémonie du transport du Nakhl constitue le point culminant de cette tradition. Le cercueil décoré de fleurs, de miroirs, d’étoffes, de broderies et même de clochettes pour rappeler le tintement des chameaux qui accompagnaient Hussein et ses 72 compagnons, est soulevé par les hommes placés dans un ordre très précis sous le dais, après avoir au préalable recouvert leurs épaules avec une étoffe protectrice.

Au son du « Ya Hussein » donné par le patriarche, les hommes soulèvent le Nakhl et commencent à avancer parmi la foule. Le parcours du Nakhl est accompagné de récitations et de prières, il y a parfois des arrêts notamment, devant les maisons qui ont connu durant l’année un décès. La pose momentanée du cercueil permet alors la distribution votive aux porteurs, d’eau, de thé ou de gâteaux. Une fois le parcours achevé, on ramène le Nakhl à son lieu de dépôt qui peut-être soit la Mosquée, soit le tekieh du quartier.

Durant cette cérémonie, il n’y a pas de rires ni de gaîté, mais des pleurs et des lamentations, car les chiites expient ce jour-là d’avoir attiré l’Imam Hussein vers un piège fatal et de l’avoir abandonné à la fureur de ses ennemis. A Kerbala, où se situe toujours le tombeau de l’Imam, les pèlerins prient le front contre cette terre sacrée pour avoir recueilli le sang du ­martyr. Certains ramènent les petites tablettes, nommées mohr en persan, de cette argile grise, que les boutiques autour du sanctuaire proposent aux pèlerins.

Une ferveur religieuse impressionnante

Le calvaire de l’Imam Hussein, a été durant des siècles interprétés comme un acte religieux de résistance. Hussein, l’ami de Dieu, se rebellait contre le calife qui s’éloignait, lui, du chemin de l’Islam. Ce faisant, il accomplissait son destin, la volonté divine et devenait martyr.

L’Achourâ s’est mis à symboliser dans le chiisme, la lutte contre l’oppression et les injustices, Hussein fait toujours l’objet d’une profonde vénération puisque récemment, vingt millions de personnes venaient lui rendre hommage à son mausolée de Kerbala, en Irak.

La mort d’Hussein, foudroyé dans l’éblouissement posthume du martyr, est, à l’image de la Passion du Christ pour les Chrétiens, un des récits fondateurs de l’Islam chiite. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le culte du martyr (shahid, en persan) y est si présent.

la population passionnée pour Imam Hossein

Cette sacralisation de la mort au combat est toujours présente dans l’Iran contemporain et l’ensemble de la population éprouve toujours, aujourd’hui, le plus profond respect pour les héros qui ont sacrifié leur propre jeunesse pour la liberté de leur peuple. A Téhéran par exemple, nombreuses sont les stations de métro ou les rues qui portent le nom d’un shahid. Les portraits de shahids, qu’il s’agisse de photos ou d’immenses fresques murales, habillent les murs de la ville. Il n’est pas rare non plus de voir à la télévision, un reportage concernant une épouse d’un martyr qui relate, mouchoir à la main, ses difficultés, les cameras la suivant ensuite jusqu’au cimetière.

 

Ta’ziyeh, théâtre et cinéma

Les jours précédents Achourâ, de nombreuses tentes noires se dressent le long des rues offrant gratuitement aux passants de la nourriture et du thé tout en diffusant des musiques religieuses sur un transistor.

C’est aussi l’occasion d’assister au rituel du ta’ziyeh, mot signifiant expression de sympathie, de deuil ou de consolation, ou encore condoléances. Le sens de cette cérémonie funèbre, est une des plus anciennes formes théâtrales de l’Iran. Le ta’ziyeh date du 10ème siècle, il a pris de l’importance au 16ème et 17ème siècle pendant la dynastie safavide. Sa présentation actuelle date plutôt de l’ère Qâdjâr. C’est d’ailleurs à cette époque qu’est construit, spécialement pour le ta’ziyeh, le premier théâtre populaire de Téhéran, le chant et la musique y prédominent mais c’est un genre théâtral traditionnel religieux ayant pour thème central la passion de l’Imam Hussein.

Ta ´ziyeh la plus ancienne forme théâtrale de l’Iran

On estime que symboliquement le ta’ziyeh représente la lutte entre le bien et le mal, la guerre entre deux forces, celle de l’obscurité contre celle de la lumière.

Les textes commémorant le martyre de Hussein sont traditionnellement écrits en vers.

Les interprètes qui jouent le rôle de prophètes et de partisans sont vêtus de vert. Ils s’expriment en langage poétique. Leurs adversaires sont des êtres grossiers et violents qu’on reconnaît à leurs vêtements rouges.

Germaine Le Haut Pas (28 Juin 2021)

Chanteur : Vihan
Producteur : Alireza Akbari

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Marjan Saboori

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1 commentaires

  • C est très bien expliqué merci beaucoup.mariyam guide iranienne @guide_iran sur Instagram

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